Les Marolles, quartier populaire situé au cœur de Bruxelles.
Dans le dédale des ruelles, sur la place du marché aux puces, dans les cuisines intérieures ou dans
la chaleur d’un café, je pose la même question aux habitants: «au cours de votre vie, avez-vous fui quelque chose?».
On me raconte des bribes de vie, on me recommande à un voisin, on se passe le mot. De bouche à oreilles, ma collecte d’histoires brasse les mémoires, remue le passé, s’amuse des sonorités, et voilà que la fuite prend des airs d’éloge qu’on ne lui connaissait pas. Une philosophie politique de la vie se fait jour. Un certain art de la fuite.

Courage, fuyons!

La brebis galeuse
L’asile est une résidence de saints. Ce sont des saints les pauvres fous, sainte la bonne sœur qui s’occupe d’eux. Et le docteur est le plus saint de tous, c’est le chef des saints, c’est Jésus Christ.
Nicola nous raconte ses 35 ans d’ «asile électrique», et dans sa tête bouleversée se heurtent réalité et fantaisie en produisant d’imprévisibles illuminations. Nicola est né dans les années Soixante, « les fabuleuses années Soixante », et le monde qu’il voit à l’intérieur de l’institut n’est finalement pas si différent de celui qui court là dehors – un monde où la seule chose qui semble ne pas pouvoir
se consumer est la peur.

Autopoïèse
« Elle est comment votre douleur là ? Sur une échelle de 1 à 10, elle est à combien ? ».
Derrière le rideau blanc d’une salle d’opération, se dresse un décor abstrait, celui d’un voyage qui prendrait sa source au coeur même d’une blessure. C’est ainsi que dans un état semi conscient, je reçois la visite du centaure Chiron. II m’indique un passage, un tout petit espace, une synapse, d’où provient un chant bien étrange…
Partant d’un événement vécu et des rencontres du réel, Autopoïèse propose des chutes et des variations, une descente vers la fiction, la poésie et la mythologie.

Moi, raciste?
“ah ça vous vous intéressez au quartier, au multiculturel? Et bien moi je vais vous dire monsieur Liévin, le racisme, je l’ai vu naître. C’était en 1973, avec le choc pétrolier. J’avais 16 ans je crois” — Abdel, 62 ans
Abdel est l’encadrant des apprentis qui rénovent ma maison; Il récite son histoire populaire du quartier, et me guide dans l’enfance et l’origine sociale de mon père. Puis survient une époque dont Bruxelles pourrait rougir, un épisode long de plus de 15 ans de vulgarité politique. Si “l’époque Nols” encapsule les années de son long mayorat et limitent à un homme l’immoralité du discours sur les étrangers, la mémoire Abdel nous montre le temps continu où les marocains de Belgique ont vécu la discrimination, de façon bien plus salissante et imprégnante qu’on ne pense le savoir aujourd’hui.
“je m’en souviens. Ma mère ne voulait pas que je joue avec mes copines marocaines. “Ils ont des poux, ces gens-là, qu’elle disait. Je ne comprenais pas” — Dominique, 58 ans
C’est en ce temps que je suis né, et heureusement les luttes antiracistes ont moralisé cette politique assumée d’un racisme ciblé qui perdure jusqu’aujourd’hui. Le doc se veut un chantier mémoriel qu’il nous reste à entamer pour réussir “le vivre ensemble”, cette quête bruxelloise sans fin, dans notre Babel brabançonne qui rayonne désormais de son hyper-diversité.

Peur-répondre
Commentaires amenés à parler. Une création radiophonique de textes trouvés.
Au moment où l’outil politique — peur — est fécondé par la numérisation des médias une réaction semble vitale: articuler et partager les peurs diffuses, sournoises.
Les commentaires sont des fils de discussions sans queue ni tête. Ces polylogues se transforment-ils quant on tente de les faire entendre?
Malgré les algorithmes qui filtrent, analysent, censurent et des équipes d’administrateurs qui gèrent du contenu; il n’y a pas de vue d’ensemble. Nous ne pouvons qu’en retenir des fragments, des instantanés, des snap-shots. Des idées.
Comme matériau d’écriture, Peur-répondre utilise des commentaires écrits, authentiques, trouvés sur internet. Ils sont pris aux sérieux et interprétés par des voix amateurs. Nous avons rassemblé ces fragments sonores sous forme de collage.
Le discours n’est pas détachable du média. Quelle tableau apparaît lors d’une sonification hybride de ces plateformes, forcément subjective et linéaire? Nous avons traduit et rendu audible les éléments visuels des plateformes: Para-textes, Thumbnails, Likes, Scrolls etc.
À la place de la quantification et de la statistique, nous cherchons à rendre compte avec nos moyens artistiques. C’est notre contribution à la discussion.

On écoute la radio et parfois on l’entend
Quand écouter est une tentative, entendre est un évènement.
Si le son est une forme subtile de toucher, qu’en est-il de la radio?
On écoute la radio et parfois on l’entend est un exercice de style, un petit jeu d’écoutes gigognes qui essaie de saisir ce moment où une rencontre peut avoir lieu.

Cartophonie, Le Sacrifice de Franck – Symphonie en 6 mouvements d’un Ancien Monde
1 er flux
Cerveau 1 – « Sommes-nous piégés dans une boucle musicale ? »
Cerveau 2 – « Imaginons les voix des protagonistes se matérialiser à partir d’un vinyle. »
Cerveau 3 – « Imaginons qu’elles essaient d’en sortir et pour cela elles doivent parcourir l’univers matériel du vinyle. »
2 ème flux
Cerveau 2 – « Alors comment s’imaginer ce monde ? »
Cerveau 3 – « Pourquoi pas une carte ? »
Cerveau 1 – « Une carte sonore afin de situer les protagonistes ! »
Dans un monde qui exerce une mainmise sur la totalité des activités individuelles, la radio passe en boucle un seul et même morceau de musique.
L’animateur dépourvu de passion va indirectement interférer dans la lecture de ce vinyle.
De ce simple mouvement, vont prendre forme les personnages du vinyle et petit à petit, mener une sorte de révolution contre leur vie monotone et répétitive.

Rascasse le vieux marin
La vie a changé dans le petit port de pêche depuis que Rascasse a découvert une étrange bouteille en plastique sur la plage. Il décide de s’en séparer en prenant le large mais la mer le surprend et lui donne une mission…Ensemble, ils embarquent pour un monde onirique empreint de conscience écologique.

Avec le vent
Tout d’abord, il y a le souffle, celui qui rassure…
Ensuite arrive le son, celui qui raconte…
Virginia, Aram et Vardan soufflent leurs émotions et de ce souffle nous parviennent leurs histoires. L’histoire de l’exil, des souvenirs d’Arménie, un jour où le vent s’est levé et où il a fallu tout quitter.

Monsieur le Directeur
Ainsi commencent les courriers adressés au Directeur de la radio publique belge entre 1958 et 1968. Tous les prétextes sont bons pour prendre la plume : un auditeur se plaint de la diffusion d’une chanson aux paroles jugées trop osées, une jeune fille se demande comment devenir speakerine, les ouvriers d’une usine souhaiteraient entendre plus d’opérettes à l’heure de leur pause déjeuner, …
Au cours de cette décennie, pour des raisons tout autant politiques, sociétales que techniques, la radio se métamorphose. Elle se fait de moins en moins véhicule de la parole officielle, pour se tourner vers une programmation divertissante adaptée aux mœurs d’une nouvelle génération ; et devenir peu à peu le lieu de l’émancipation d’une parole récoltée dorénavant sur le terrain.
À travers une sélection de lettres entrelacée à des archives de la radio d’alors, ce documentaire explore les façons de faire et d’écouter la radio, et nous interroge sur la place qu’elle occupe aujourd’hui dans nos vies.
Teaser vidéo réalisé par Maël Lagadec.