Les Marolles, quartier populaire situé au cœur de Bruxelles.
Dans le dédale des ruelles, sur la place du marché aux puces, dans les cuisines intérieures ou dans
la chaleur d’un café, je pose la même question aux habitants: «au cours de votre vie, avez-vous fui quelque chose?».
On me raconte des bribes de vie, on me recommande à un voisin, on se passe le mot. De bouche à oreilles, ma collecte d’histoires brasse les mémoires, remue le passé, s’amuse des sonorités, et voilà que la fuite prend des airs d’éloge qu’on ne lui connaissait pas. Une philosophie politique de la vie se fait jour. Un certain art de la fuite.

Courage, fuyons!

Version 133
Et si d’autres mondes étaient possibles ? Et si les Cités de la Grèce antique (Athènes, Argos, Thèbes…) avaient colonisé des continents et étaient devenues de véritables civilisations modernes ? Et si les super-héros avaient réellement existé ? Et si un « journaliste-prêtre » aux étranges pouvoirs était envoyé par son Dieu dans ce monde pour y mener une enquête ?
Une uchronie librement adaptée de la tragédie d’Euripide Les Héraclides – mais surtout une féroce satyre politique et sociale de notre temps.

Autopoïèse
« Elle est comment votre douleur là ? Sur une échelle de 1 à 10, elle est à combien ? ».
Derrière le rideau blanc d’une salle d’opération, se dresse un décor abstrait, celui d’un voyage qui prendrait sa source au coeur même d’une blessure. C’est ainsi que dans un état semi conscient, je reçois la visite du centaure Chiron. II m’indique un passage, un tout petit espace, une synapse, d’où provient un chant bien étrange…
Partant d’un événement vécu et des rencontres du réel, Autopoïèse propose des chutes et des variations, une descente vers la fiction, la poésie et la mythologie.
Retrouver sur Soundcloud, une interview de Anne Lepère — le 23/03/19 sur 48FM, lors de la diffusion de Autopoïèse dans l’émission «La porte ouverte à toutes les fenêtres».

Moi, raciste?
“ah ça vous vous intéressez au quartier, au multiculturel? Et bien moi je vais vous dire monsieur Liévin, le racisme, je l’ai vu naître. C’était en 1973, avec le choc pétrolier. J’avais 16 ans je crois” — Abdel, 62 ans
Abdel est l’encadrant des apprentis qui rénovent ma maison; Il récite son histoire populaire du quartier, et me guide dans l’enfance et l’origine sociale de mon père. Puis survient une époque dont Bruxelles pourrait rougir, un épisode long de plus de 15 ans de vulgarité politique. Si “l’époque Nols” encapsule les années de son long mayorat et limitent à un homme l’immoralité du discours sur les étrangers, la mémoire Abdel nous montre le temps continu où les marocains de Belgique ont vécu la discrimination, de façon bien plus salissante et imprégnante qu’on ne pense le savoir aujourd’hui.
“je m’en souviens. Ma mère ne voulait pas que je joue avec mes copines marocaines. “Ils ont des poux, ces gens-là, qu’elle disait. Je ne comprenais pas” — Dominique, 58 ans
C’est en ce temps que je suis né, et heureusement les luttes antiracistes ont moralisé cette politique assumée d’un racisme ciblé qui perdure jusqu’aujourd’hui. Le doc se veut un chantier mémoriel qu’il nous reste à entamer pour réussir “le vivre ensemble”, cette quête bruxelloise sans fin, dans notre Babel brabançonne qui rayonne désormais de son hyper-diversité.

Le ventre de Paul
Une enquête pour retrouver des souvenirs d’une gueule cassée dans les Vosges : Paul Marulaz, mon arrière⁻grand père. Accompagné par Marion Fabien et le journal de guerre de Paul, c’est une plongée dans les mémoires, à la frontière du souvenir. Quels sont les restes de cette drôle de guerre ? Comment peut-on retrouver une famille après tant de blessures ?

Des chemins de traverse
Il existe en Wallonie comme dans beaucoup d’autres endroits, des personnes à qui l’on a transmis des prières secrètes pour soigner, soulager la douleur et les maux du quotidien.
Une pratique ancestrale et vivace, qui fonctionne sans que l’on ne sache vraiment ni comment ni pourquoi. Ici on se le raconte, du presque rien qui compte beaucoup.

Trait pour trait
Ni totalement fiction, ni exclusivement documentaire, ce portrait explore une zone de circulation où modèle et portraitiste se rencontrent. Comme un jeu de cligne-musette où les rôles de celui qui compte et de celui qui se cache seraient rendus poreux. Enregistrées lors de cinq tombées de nuit consécutives dans l’intimité du salon, les paroles de Nadia invitent l’auditeur à une partie de colin-maillard ; yeux bandés et bras tendus, libre de deviner les contours d’un visage qui prend inlassablement la tangente.

Le tigre de papier
Dans les débats liés à la discrimination, aux changements de société, aux violences policières, à l’islam, au voile, ou encore à l’histoire coloniale belge, à la Place Lumumba, aux statues et noms de rue de Bruxelles, certaines pensées sont restées inaudibles un temps.
Grandis dans la capitale, actifs au sein des sphères scientifiques, économiques, culturelles et socio-politiques belges, 12 intervenants m’ont consacré ce temps. Le cheminement choral, tissé à partir de leurs réponses, évoque la relation à l’histoire, aux fissures, et au sens que l’on se donne.
Entre apparitions, aspirations, oublis, il existe une résonance de quelque chose qui a tinté dés le départ. Mais que l’on n’a pas entendu. Qui entoure un débat avant même qu’il ne commence. Ce premier opus partage la sortie de cette étape trop étroite.
Le second évoquera les références et les événements, les actions menées dans le cadre de l’émancipation, du travail et des projets qui ont émergés au fil de cette résonance.

La première fois que je suis devenu fou(le)
«Je pénétrais dans un champs de conscience qui m’était jusqu’alors interdit ou caché et je n’y reconnaissais rien. J’ai eu l’impression vertigineuse d’accéder à un nouvel étage de mon être. Je ne savais pas si j’étais mort ou si je venais de naître. Tout y était inouï et incertain. Je ne pouvais plus interpréter ce que je ressentais. J’avais un nouvel univers à déchiffrer dont chaque signe était un miroir de ma perplexité.
Je me suis dit, ou plutôt cela s’est dit à travers moi :
Ma folie est le dernier rempart entre moi et une liberté totale.
Qui cédera le premier ? Le rempart ? Moi ? Ou la Liberté ?»

Gnawas, jour et nuit

Illustration: Margaux Nessi
Dans un territoire bruxellois fertile à la création, à la diffusion culturelle et dans le contexte actuel troublé, une partie de la communauté marocaine de Belgique perpétue une branche captivante de son héritage, la musique gnawa, une musique spirituelle, de transe, introduite dans le monde arabe par les esclaves noirs.
Aujourd’hui, ses membres résistent à leur manière en transmettant localement l’esthétique envoûtante d’une musique portée par les chants et les sonorités captivantes des instruments qui lui sont propres (le guembri, le tbel et les qrâqeb).